Situé au cœur du quartier de la « Nouvelle Athènes », le Théâtre Saint-Georges, bien que récent (il date de 1929) connut une histoire brillante. Jouxtant la maison Thiers (aujourd’hui reconstruite et qui abrite la bibliothèque Thiers) l’emplacement qu’il occupe rue Saint-Georges est celui d’un hôtel particulier qui fut celui du financier Millaud, fondateur du journal L’Audience et du Petit Journal.
Cet hôtel fut acquis plus tard par Edwards, père du fondateur du Matin, puis en 1907, Les Annales, qui jusque là voisinaient avec L’Illustration, s’y installèrent. L’immeuble fut alors entièrement remanié et reconstruit.
Après la guerre, Les Annales émigrèrent rue La Bruyère, et c’est le journal Comoedia qui vint s’établir au 51 de la rue Saint-Georges. Le coquet hôtel était décidément prédestiné à la presse. Nul ne songeait toutefois à y ajouter un théâtre. C’est à Camille Choisy que revint cette initiative. Celui-ci, qui avait pendant plusieurs années dirigé le Grand Guignol, cherchait un autre local où s’abriter. L’ancienne salle des Annales lui fut propice.
Mais que de transformations ne devait-elle pas subir! Camille Choisy s’adressa à Charles Siclis, architecte célèbre l’époque, à qui l’on doit également le Théâtre Pigalle, aujourd’hui disparu et transformé en parking ! Les travaux durèrent quelques temps mais enfin, le 8 février 1929, Camille Choisy et son associé Jacques Albert pouvaient convier le Tout-Paris à l’inauguration de leur nouveau théâtre. Ce fut une surprise et un ravissement : rompant avec les traditions, l’architecte avait délibérément adopté un style moderne, une sobriété et un goût parfaits. Pendant quelques mois, le Théâtre Saint-Georges fut comme une réplique du Grand Guignol.
Camille Choisy continua à y donner comme il en avait l’habitude, des « spectacles coupés », où le rire alternait avec la terreur. C’est ainsi que comme spectacle d’ouverture, il choisit un acte d’André de Lorde intitulé Une Nuit d’Edgar Poe qui était moins un drame qu’un à-propos évoquant la singulière figure du romancier de l’horreur. Puis vinrent des tableaux d’intimité bourgeoise, tels Harmonie ou Destination Inconnue. Cette première année 1929, très riche par le nombre de pièces représentées, connut notamment une amusante saynète du jeune Marcel Achard : Une balle perdue, ainsi que des pièces d’Octave Mirbeau et Paul Bourget.
Cependant les résultats n’avaient pas complètement répondu à leur attente, et c’est sous une nouvelle direction de Benoît-Léon Deutsch et Jacques Albert que s’ouvrit la saison suivante. Benoît-Léon Deutsch qui dirigeait déjà brillamment le Théâtre des Nouveautés jugea que le public prendrait plus facilement le chemin de la pimpante salle de la rue Saint-Georges, si, au lieu de spectacles coupés, il y trouvait une seule pièce, mais d’un choix judicieux et interprétée par des acteurs de grande classe.
Pour son spectacle d’ouverture, il donna en septembre 1929 La Fugue d’Henri Duvernois. Le succès fut des plus encourageants. Le Théâtre Saint-Georges connut alors pendant dix années consécutives de très grands succès. Sous l’impulsion de Benoît-Léon Deutsch, des pièces restées célèbres : L’Homme, la bête et la vertu de Luigi Pirandello, Mademoiselle de Jacques Deval, La femme en fleurs de Denys Amiel avec l’inoubliable Valentine Tessier, connurent, avec beaucoup d’autres, un grand retentissement.
Pendant la guerre, le Théâtre Saint-Georges est fermé puis rouvert sous des directions temporaires: Charles Fabre, puis J.M. Renaitour, qui présentèrent des pièces de Pierre Ducros, Roger Ferdinand, Jacques Deval, Denys Amiel, Jean de Letraz ainsi que L’Annonce faite à Marie de Paul Claudel pour 41 représentations.
Chacune de ces pièces restant peu longtemps à l’affiche en raison des difficiles conditions d’exploitation dûes à l’occupation. En septembre 1943, Mary Morgan, en association avec Marie-Rose Belin d’abord, puis seule à partir de 1948, prend la direction de cette salle. C’est alors que le théâtre connut sa principale période de gloire et pendant plus de trente-cinq ans !
Certes, à cette époque, d’autres grands directeurs, et souvent des femmes, ont illustré longtemps et brillamment le Théâtre privé : Simone Berriau, Yvonne Printemps, Marie Bell, Elvire Popesco et d’autres encore.
Mais combien ont connu d’aussi éclatants et durables succès que Mary Morgan ? Jugez plutôt :
Sans oublier la découverte d’auteurs nouveaux, de comédiens et de comédiennes, de metteurs en scène ou de décorateurs enfin dont le talent attire vers le Théâtre Saint-Georges des spectateurs de plus en plus nombreux.
Parmi les soixante spectacles présentés par Mary Morgan, citons encore Fils de personne d’Henry de Montherlant, Histoire de rire d’Armand Salacrou, La dame de trèfle de Gabriel Arout, La Volupté de l’honneur de Pirandello, Living-room de Graham Greene, La Bouteille à encre d’Albert Husson, Lorsque l’enfant paraît d’André Roussin, N’Ecoutez pas Mesdames de Sacha Guitry, Lucienne et le boucher de Marcel Aymé, etc.
En 1978, Mary Morgan cède son fauteuil directorial et le Théâtre continue son histoire. Une direction éphémère de Monsieur et Madame Sandor, puis celle de Félix Ascot poursuivent la tradition du Théâtre Saint-Georges – on doit notamment à ce dernier L’Aide mémoire de Jean-Claude Carrière avec Caroline Cellier et André Dussollier, et Le Charimari de Pierrette Bruno avec Micheline Boudet et Pierre Tornade. C’est également au Théâtre Saint-Georges durant cette période qu’eut lieu le tournage du film de François Truffaut Le Dernier métro, film qui reçut de très nombreux « César ».
En 1984, France Delahalle et Marie-France Mignal reprennent la direction du Théâtre Saint-Georges, où se joueront la plupart des pièces de Maria Pacôme, mais aussi Drôle de Couple avec Jacques Balutin et Daniel Prévost ou encore Si je peux me permettre de et avec Robert Lamoureux, Le Charlatan du même auteur avec Michel Roux et Jacques Balutin, Numéro Complémentaire, de Jean-Marie Chevret, avec Francis Perrin et Stéphane Bern, Les Belles-Sœurs, d’Eric Assous, avec François-Eric Gendron, Sabine Haudepin, Elisa Servier…
Suite au décès de France Delahalle en 2004, Marie-France Mignal reste seule aux commandes.
En novembre 2024, un vent de renouveau souffle sur le Théâtre Saint-Georges ! Un groupe d’amis, unis par leur passion pour la scène et leur amour de la culture, reprend ce lieu emblématique du théâtre parisien. Plus qu’une transaction, ce rachat marque une vision commune pour l’avenir du théâtre privé.
Ce collectif unique réunit des figures de premier plan du paysage théâtral et entrepreneurial :
• Pascal Guillaume, CEO de la société de production Ki M’aime Me Suive et propriétaire du Théâtre Tristan Bernard,
• Sébastien Azzopardi, directeur de théâtres, producteur, comédien et metteur en scène de talent, connu pour sa capacité à faire vibrer toutes les générations, et Francis Nani, co-directeurs et propriétaires respectivement du Théâtre Palais Royal et du Théâtre Michel,
• Romain Frobert, entrepreneur engagé, spécialiste du conseil en gestion de risques atypiques et éphémères dans les industries culturelles.
Avec leur expertise et leur complémentarité, cette équipe d’entrepreneurs imagine pour le Théâtre Saint-Georges un projet à la fois audacieux et fidèle à son histoire. Leur ambition ? Créer une scène vivante où l’innovation artistique et l’héritage culturel s’unissent pour surprendre et émerveiller avec tendresse et humour décalé un public en quête de diversité et de modernité.
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